Dans cette commune vendéenne de 599 habitants, des élèves sont privilégiés. Ils effectuent leur trajet domicile-école dans une calèche tractée par Tania, une jument trait breton, devenue leur coqueluche.
À 16 h 30, à la sortie des classes, les élèves qui habitent Bouillé montent dans la calèche
Un petit quart d’heure avant que la cloche ne sonne la fin des cours, à l’école de Courdault, dans le sud-Vendée, on entend le rythme des sabots sur le bitume. Un cheval de trait sort tranquillement de son pré, attelé d’une calèche (bâchée en cette saison). Guidé par Mathilde, l’attelage se positionne devant l’école. Tania, la jument de 13 ans, attend tranquillement. La cloche retentit, certains parents récupèrent leur enfant au portail de l’école, d’autres élèves montent dans la calèche. « Est-ce qu’on peut faire un câlin à Tania ? » entend-on dans la bouche de plusieurs écoliers. Car, à Bouillé-Courdault, depuis la rentrée scolaire de septembre 2019, le transport scolaire hippomobile a été mis en place. Un vocabulaire quelque peu administratif pour dire qu’ici, quand on habite le hameau voisin de Bouillé, on vient et on rentre de l’école en calèche. Tania, la jument trait breton, est devenue la coqueluche de la commune.
Les parents interrogés
Les détracteurs de l’initiative pourraient dire qu’il s’agit d’un nouveau gadget mâtiné d’un vernis écologique. Que nenni ! On rembobine. L’idée a germé début 2019. « On savait que le Regroupement pédagogique intercommunal allait disparaître (1) », indique Stéphane Guillon. Il fallait donc trouver une solution pour les 70 élèves qui fréquentent l’école. Le maire interroge la population. « J’ai appelé tous les parents un à un, pour savoir s’ils allaient utiliser le transport scolaire à la rentrée. J’ai expliqué notre projet. Tout le monde était d’accord. » Le 2 septembre 2019, le transport scolaire hippomobile était en route. Depuis, matin et soir, les élèves partagent ce trajet en compagnie de Tania, la jument, dans la calèche sécurisée et flambant neuve de vingt places. Un investissement de 12 500 € « fabriqué à Cognac », plus pratique pour le service après-vente que des véhicules construits à l’étranger. La jument a été achetée en LoireAtlantique pour 4 000 €. « Là-bas, elle faisait du débardage. » Son harnais et collier ont coûté 3 000 €. Dans la voiture hippomobile, les enfants sont positionnés face à face, cela favorise les échanges.
« On est plus indulgent parce que c’est un être vivant »
« On l’a fait parce que le contexte s’y prêtait », complète le maire. Un centre équestre, la Colline des Frettis, a accepté d’assurer cette prestation, un trajet compatible de trois kilomètres entre Courdault et Bouillé, desservi par deux arrêts, avec un nombre d’enfants suffisant et une adhésion des parents. « Lors de réunions, on me fait régulièrement la boutade : alors, tu es venu avec ton cheval ? » L’initiative est globalement bien perçue. D’autres maires l’appellent pour lui demander des conseils. Le tarif du transport est inchangé pour les familles : 11 € par mois et par enfant. Le reste est à la charge de la commune, qui a trouvé des partenaires pour l’investissement et la Région qui finance, comme partout, le transport à 50 %. « Il leur a fallu ouvrir une ligne budgétaire parce que ce type de transport n’existait pas. »
Une signalétique spécifique a été mise en place pour informer les usagers de la route du transport scolaire hippomobile. À l’arrêt de la mairie de Bouillé, des parents attendent. « Le fait que ce soit un être vivant, on est plus indulgent », témoigne Isabelle, mère d’un petit Simon, scolarisé pour la première année. Tania a en effet été malade un jour. « Tout le monde a compris. » Les parents, via un groupe WhatsApp, se sont organisés. Le trajet au rythme de l’animal (4 km/h) transforme ce moment, souvent synonyme de contraintes, « en promenade ».
Bien plus qu’un transport scolaire
L’initiative essaime au-delà du transport scolaire. « Les anciens se souviennent du temps où le cheval était plus présent dans nos campagnes », appuie Stéphane Guillon. Le passage de Tania et des enfants est un moment attendu. Autre conséquence, l’emploi. Car, pour transporter tout ce petit monde, le centre équestre a formé du personnel. Deux jeunes femmes, Mathilde et Noémie, sont accompagnatrices diplômées en tourisme équestre. D’autres sont en formation. Et, pour aller plus loin, la Colline des Frettis a aussi lancé une nouvelle formation de meneur en tourisme équestre. Dans la voiture hippomobile, c’est une tout autre ambiance que dans un bus. « Ici, on a le droit de discuter avec le chauffeur ! » annonce fièrement une des jeunes élèves. « Parfois, on les entend chanter », témoigne Stéphane Guillon, qui ajoute : « C’est sûr, ils se souviendront toute leur vie qu’ils allaient à l’école en calèche ! » (1) Le Regroupement pédagogique intercommunal fonctionnait avec l’école d’Oulmes. Cette dernière a fusionné avec Nieul-surl’Autise au 1er janvier 2019. Bouillé-Courdault n’a pas souhaité intégrer le regroupement avec ces deux communes. Le RPI a donc été dissous à cette date. Un accord avait été trouvé pour fonctionner jusqu’à la fin de l’année scolaire 2018-2019.