Troisième championnat du monde et troisième titre individuel. Quel est votre sentiment sur cette nouvelle médaille d’or acquise à Budapest ? 

 

Je suis évidemment très content d’autant plus après la saison que nous venons encore de passer. Nous devions avoir des championnats d’Europe cette année et des championnats du monde l’année dernière et finalement ce sont ces derniers qui ont eu lieu à Budapest! De revenir sur un championnat international après deux ans nous faisait déjà vraiment plaisir. On travaille beaucoup pour participer à ce type de grosses échéances et cela a été très dur de rester à la maison l’année dernière sans pouvoir courir la moindre compétition ! Cette année, on a pu participer à deux CVIs mais nous sommes restés en France puisqu’ils étaient à Saumur et au Mans. Aller à Budapest était le vrai retour sur une grande piste et surtout à l’étranger depuis les championnats d’Europe en 2019. Alors en plus de tout cela, de gagner dès la première saison d’Estado c’est juste un rêve! 

Sur le CVI du Mans, vous preniez la troisième place après une compétition en « demi-teinte ». Qu’avez-vous changé en vue du départ pour les championnats du monde ?

Déjà lors du CVI de Saumur nous avions eu quelques passages compliqués mais c’est tout à fait normal puisque le cheval a commencé les entrainements en voltige il y a à peine deux ans. Il n’avait pas vraiment fait de concours non plus donc il n’avait aucune expérience de terrain. De savoir que nous n’avions aucune possibilité de le mettre en conditions de préparation de concours l’année dernière a été une pression supplémentaire. Cette année, nous sommes arrivés à Budapest avec un cheval tout neuf ! Le gros travail qui a été effectué après Le Mans et notre contre-performance sur le programme technique, a été d’arriver à trouver une zone de confort pour Estado. C’est un cheval qui est froid dans sa tête, qui ne regarde pas ce qui se passe autour de lui, qui arrive à gérer pas mal de pression mais qui n’était pas encore prêt cette année à ce que nous le poussions dans ses limites en termes de capacités physiques et de concentration. Il fallait donc trouver une zone de confort pour lui quitte à ce qu’il prenne de moins bonnes notes, ce qui s’est d’ailleurs passé en début de compétition à Budapest.  

« ESTADO A FAIT UN SUPER CHAMPIONNAT »

Lambert Leclezio et son longeur Loïc Devedu lors de la remise des prix à Budapest

Etes-vous satisfait de vos prestations tout au long de ce championnat du monde que vous avez dominé avec une note générale de 8,989 ? 

J’ai fait un bon programme imposé ce qui m’a permis de prendre de l’avance dès le début puis, sur mon premier Libre, j’ai préféré jouer la sécurité en retirant un flip transverse qui n’est de toute façon pas valorisé dans la notation des juges. J’ai pu ainsi laisser Estado dans son confort. Lors du premier Libre, nous étions assez proches dans le classement avec les trois suivants mais j’ai ensuite présenté le meilleur programme technique de ma carrière en finale. Cela a été ma grosse perf’ de la compétition avec des notes comprises entre 9,4 et 9,7, synonymes de record puisque personne n’avait dépassé la barre des 9 sur ce programme auparavant ! Cela a été possible car nous avons trouvé une détente qui convenait mieux au cheval ce qui a permis de le garder plus concentré. Cela a été payant d’autant que Loïc (Devedu, le longeur, NDLR) a su gérer les toutes petites variations de rythmes. Ce résultat nous a enlevé pas mal de pression avant le dernier Libre sur lequel nous avions décidé de vraiment profiter et de montrer notre programme en intégralité! Nous voulions finir en beauté et ce n’est pas tout à fait ce qu’il s’est passé. Estado était un peu fatigué à la détente, il est même repassé au trot et lorsqu’il est entré sur la piste il a freiné avant de repartir un peu vite. J’ai gardé un peu tout ça en tête et après une erreur en début de programme que j’ai dû camoufler, j’ai décidé de retirer à nouveau le fameux flip car je ne voulais pas prendre de risques. Nous sommes 3ièmes de ce Libre sans avoir vraiment pu montrer ce que l’on sait faire. C’est une petite frustration pour moi qui a vite été effacée car le cheval a fait un super championnat !

Estado*IFCE qui vivait donc son tout premier grand rendez-vous international… 

C’est ce qui a été le plus gros challenge pour nous car il fallait le préparer pour la compétition, découvrir comment il allait réagir et fonctionner et nous n’avions pas de compétitions pour cela! Nous avons eu la chance de participer aux Galas du Cadre Noir et d’aller plusieurs fois au Boulerie Jump du Mans lors de compétitions de dressage pour le mettre en conditions et apprendre toutes les petites infos nécessaires. Jusqu’au dernier moment, nous étions encore en train de chercher le meilleur protocole et à vrai dire nous ne l’avons pas encore complètement trouvé ! Cela nous a obligé à prendre chaque étape très au sérieux pour tout analyser, on n’avait pas le droit de louper une occasion de travailler et de trouver des solutions. En plus de tout ça, il ne s’agissait pas juste de lancer un nouveau cheval sur un championnat avec un but de se qualifier pour la finale. Non, il s’agissait pour moi de défendre mon titre donc la pression était très forte sur notre jeune trio. Mais toute notre équipe a vraiment été géniale. 

Lambert et Estado*IFCE à Budapest

Vous parliez d’une nouvelle figure qui n’est pas encore valorisée dans la notation des juges alors que la voltige devrait laisser place à la créativité et l’audace des voltigeurs. En avez-vous discuté dans le milieu ?

Personnellement, je ressens une petite frustration car le système de notation nous freine finalement à faire des figures innovantes. Cette année, j’avais construit mon programme avec beaucoup de nouvelles choses qui ne sont pas valorisées à l’heure actuelle. De ce fait, sur un championnat comme à Budapest, j’ai été « obligé » pour privilégier le cheval, la perf et la note, d’enlever des mouvements que j’avais travaillé car les juges n’allaient de toute façon pas me donner plus de points. J’ai présenté ce programme Libre sur les CVIs, les gens l’ont vu et il a été partagé sur les réseaux, un débat a donc été lancé et nous avons commencé à en discuter avec les juges. Je ne sais pas si les choses vont bouger mais cela me donne la motivation nécessaire pour poursuivre encore un peu ma carrière ! J’aurais pu tout arrêter après ce troisième sacre mondial, d’autant que je ne suis que le troisième voltigeur à l’avoir fait (après l’Allemand Christoph Lensing et la Britannique Joanne Eccles, NDLR). Mais de ne pas avoir été capable de présenter des Libres parfaits et de savoir que nous n’en sommes qu’au début avec Estado, que nous n’avons pas encore trouvé cette perfection en piste, cela me pousse à viser la finale de la Coupe du monde à Leipzig et les Jeux mondiaux à Herning en 2022 !

 

Crédit Photo : © FEI-Lukasz Kowalski


Source : Cheval Magazine