Son téléphone, Pierre Michelet il le garde quasiment toujours à la main. Et ce vendredi 22 octobre, à deux pas de l’aire de dressage, il sonne toutes les cinq minutes. Des appels en cascades. Des demandes, des requêtes. Cela devrait se calmer à la fin de ce week-end. Pour celui qui dessine et règle le cross du Mondial, cela reste toujours un plaisir. Discuter, analyser et surtout parler de sa passion : le cross.

À l’instar des cavaliers, est-ce que le créateur du parcours du cross du Mondial du Lion est anxieux avant l’épreuve de ce samedi ?

Pierre Michelet : « Je ne sais pas, c’est difficile comme question (rires). J’ai préparé trois concours ce mois-ci et, encore heureux, je réussis à dormir un peu ! Ici, on est sur une épreuve de jeunes chevaux, donc pour créer le parcours, on se pose des questions très basiques. Des questions d’aptitudes, c’est-à-dire, entrer dans l’eau sans appréhension, de sauter des fossés, de monter une marche… Je suis chef de piste depuis plus de 20 ans, donc je connais bien le terrain, le profil des chevaux qui se présentent. Je navigue beaucoup moins dans l’inconnu. »

Ce samedi, ce sera l’aboutissement de combien de temps de travail ?

« Ceux qui font le plus de travail sont ceux qui sont sur place. Ceux qui s’occupent de la logistique et qui mettent les choses en route. Moi, je me contente, entre guillemets, de faire le projet technique. Après, les gens des Haras, du site, mettent les obstacles en place. Je travaille quand même avec eux, sur l’aspect technique, pour les distances sur les combinaisons. Il y a aussi tout un travail de décoration, d’agrément de parcours pour le public. »

Vous arrivez à évaluer le temps qu’il vous faut pour faire aboutir le projet ?

« Je viens toujours une première fois pour faire un avant-projet. Comme tous les ans, on change de sens, donc on a repris le parcours dans l’autre sens. On s’appuie aussi sur l’expérience des années précédentes, avec les endroits qui allaient bien. Ici, c’est toujours particulier, car il y a toujours un renouvellement des chevaux. Ce n’est pas comme dans certains concours, où les chevaux viennent tous les ans pour courir la même épreuve. Ce qui va bien, on le garde, ce qui va moins bien, on le change. Au Lion, on a toujours à cœur de présenter des surprises au public, avec des nouveaux obstacles. Il y a une mise en scène importante. Moi je donne des schémas techniques et les autres personnes s’occupent du reste. »

« J’ai passé l’âge pivot, et je ne veux pas m’arrêter »

Vous ne vous adaptez donc pas aux obstacles prévus ?

« Tout à fait. Les obstacles sont l’âme du concours. J’ai fait beaucoup de parcours justement, et je n’ai pas toujours le même résultat. Car il y a des gens qui n’y mettent pas le même cœur, ou la même application. Ici, il y a toujours un résultat très séduisant, car le site est beau et agréable. Et ensuite, les obstacles sont toujours superbes, avec des thèmes toujours bien déclinés. »

Pour vous, un parcours parfait, c’est quoi ?

« Un concours parfait ? (rires). Est-ce que ça existe vraiment dans ce monde ? Pour ces jeunes chevaux, on essaye de leur ouvrir une voie vers l’avenir. Normalement, pour les jeunes chevaux, on leur fait des choses beaucoup plus basiques. Ici, ils ont la chance de vivre une vraie grosse épreuve, avec du public, et ça, c’est une donnée importante. Ils sont dans le grand bain pour la première fois, avec des obstacles très différents. On veut juste créer une expérience positive. Et c’est peut-être ça le parcours idéal. C’est que les chevaux, en partant d’ici, aient réussi à monter cette première marche. »

Au moment du début du cross, il y aura un peu d’anxiété ? Le jour du Cross, c’est quand même le juge de paix pour vous…

« Toujours ! Quand passent les premiers, on les regarde toujours attentivement… Mais je crois que les autres cavaliers les regardent attentivement aussi, car ils font l’analyse du parcours en même temps… Moi, on espère que je l’ai fait bien avant, et parfaitement (rires). »

Après toutes ses années, il n’y a pas de lassitude ?

« Pas du tout, car j’ai largement dépassé l’âge pivot, mais je n’ai pas envie de m’arrêter. Je trouve ça passionnant, et chaque année il y a le même plaisir à le faire. C’est très flatteur de travailler au Lion-d’Angers, car il y a beaucoup de public, ce qui est assez rare en France. Les gens reviennent souvent, ce signe que les gens apprécient le parcours. »

Il existe une patte Pierre Michelet ?

« Hélas oui ! Souvent, c’est difficile de sortir de son registre. Je suis beaucoup de concours, j’analyse aussi ce que font les autres. Les sports évoluent très vite, le Mondial d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a 20 ans. Mais on a toujours notre signature. »

Vous sauriez la définir ?

« Pas du tout ! Il faut demander aux cavaliers ! (rires).

2012, le pire souvenir

Au milieu de toutes ses années, Pierre Michelet a beaucoup de mal à ressortir un mauvais souvenir au Lion-d’Angers. « Il y a eu des chutes, oui, il y en a toujours, le pire, cela reste 2012. » Cette année-là, tout était prêt au Lion-d’Angers, sauf que la météo s’est invitée à la fête. « On a dû annuler au dernier moment, à cause des inondations… Mais à part ça, j’ai toujours aimé ce concours. »

 

Jordan BOUTON
Crédit Photo : PHOTO CO – JOSSELIN CLAIR


Source : Le Courrier de l'Ouest, Ouest France