Nous avons étudié dans nos deux éditions précédentes, du 9 et du 30 avril, les impacts que la pandémie de la Covid 19 a eus sur la filière équine, tous secteurs confondus et les conséquences économiques par secteur d’activité, démontrant une fragilisation de nombreux acteurs de l’ensemble de la filière qui pourrait avoir des effets à plus long terme. En conclusion de l’étude, après avoir fait le détail des aides diverses auxquelles l’ensemble de la filière a eu droit, les auteurs interrogent la spécificité du modèle français, et ce que cette crise a entraîné comme changements.
Aides d’Etat
Dispositifs généraux
Dans le cadre de l’aide aux activités économiques, l’Etat a mis en place un certains nombre de dispositifs qui ont pu être utilisés par les acteurs de la filière équine. Compte tenu de la nature et de la taille des entreprises de la filière équine, elles sont très majoritairement éligibles aux différents régimes d’aides mis en place par l’Etat afin d’accompagner les petites entreprises, à savoir :
•Fonds de solidarité : Les conditions d’éligibilité aux fonds de solidarité ont évolué au fur et à mesure des mois, rendant plus ou moins éligibles les entreprises de la filière équestre. Depuis décembre, les entreprises de la filière doivent justifier d’une perte de CA d’au moins 50% ce qui exclut de nombreuses entreprises du dispositif pour lesquelles la perte est estimée entre 30 à 45% du CA.
•Report de paiement d’échéances fiscales et/ou sociales.
•Réduction ou exonération des cotisations sociales.
•Aides du fonds d’action sociale.
•Aides à l’embauche d’apprentis.
•Rééchelonnement des crédits bancaires.
•Activité partielle pour les salariés.
•Prêt de trésorerie garanti par l’Etat.
•Aides pour l’emploi des jeunes.
Dispositifs spécifiques à la filière hippique
Aides centres équestres et poney-clubs
•Par décret n°2020-749 du 17 juin et arrêté du 19 juin 2020, l’Etat a mis en place une aide exceptionnelle pour les centres équestres et poneys clubs recevant du public. Ce dispositif a été géré par l’Ifce et ce sont près de 5 500 établissements équestres qui ont perçu cette aide pour un montant total de 13,45 M€ et a concerné plus de 112 000 équidés soit environ 10 % des équidés présents sur le territoire national.
•A ce jour, le second confinement n’a encore donné lieu au versement d’aucune aide, même si les débats au Parlement sur la loi de finances rectificative IV pour 2020 ont conclu à la mobilisation de 8 M€ pour accompagner les acteurs de la filière.
Aides des régions et départements
Eligibilité de la filière hippique à d’autres aides sectorielles
Ces aides correspondent à des régimes spécifiques auxquels certains acteurs de la filière hippiques pouvaient prétendre :
•Aides organisateurs : Par décret n°2020-1571 du 11 décembre 2020, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a mis en place une aide pour compenser les pertes de recettes du sport professionnel sur la billetterie et la vente de nourriture et de boissons lors de manifestations sportives. Les dossiers devaient être finalisés pour le 31 décembre et nous n’avons pas retour sur cette aide sur le secteur «cheval «. Cette aide, spécifique du milieu sportif destinée à compenser les pertes en billetterie n’a malheureusement pas été ouverte aux hippodromes pourtant confrontés à l’organisation de ces épreuves sportives à huis clos.
•Aides Parcs animaliers : Par décret n°2020-695 du 8 juin 2020, le ministère de la transition écologique et du développement rural a mis un place un dispositif d’aide financière à destination des cirques animaliers, des parcs zoologiques, des refuges animaliers. Le secteur cheval et en particulier les artistes équestres en résidence ou itinérants étaient éligibles à ces aides, mais nous n’avons pas d’estimation du volume concerné.
•Etalement fiscal : Suite à une réunion entre les ministres en charge du budget et de l’agriculture avec les représentants des courses le 21 avril 2020, afin de soutenir la trésorerie de l’institution hippique pendant la crise sanitaire, l’Etat a autorisé le PMU à reporter et étaler dans le temps le versement au budget de l’Etat d’une partie des prélèvements spécifiques sur les enjeux hippiques dans le cadre d’un dispositif de soutien à la trésorerie de l’institution assumé à parité avec les sociétés mères.
•Exonération des charges : L’article 65 de la loi de finances rectificative du 30 juillet précisé par le décret n° 2020-1103 relatif aux cotisations et contributions sociales des entreprises, travailleurs indépendants et artistes-auteurs affectés par la crise sanitaire.
En vertu de l’article 65 (1, a), l’exonération est applicable aux cotisations dues sur les rémunérations des salariés sur la période
du 1/02 au 31/05 2020, notamment dans le secteur des sports (au titre des activités particulièrement touchées). Les secteurs d’activité touchés sont les suivant :
-« Gestion d’installations sportives » (pistes de courses 93.11),
-« Autres activités liées au sport » (écuries de chevaux de course 93.19).
Particularités du modèle français
La crise sanitaire inédite que nous connaissons interroge l’ensemble des acteurs de notre filière sur leurs modèles économiques et sur la résistance de ces modèles à des évènements imprévus.
Le modèle français a été efficace pour apporter une réponse collective rapide.
La filière équine française, contrairement à ses concurrents étrangers, présente un modèle jacobin, parfois brocardé pour son manque de souplesse, mais qui a fait preuve d’une grande robustesse face à la crise actuelle, ainsi :
•Lors du 1er confinement, les propriétaires d’équidés ont pu obtenir du SIRE leurs déclarations de lieux de détention pour justifier de leurs déplacements afin de s’occuper de leurs équidés ;
•Les centres de reproduction, dans la même période, ont pu rapidement mettre en place des process dématérialisés leur permettant de poursuivre leurs activités de reproduction tout en respectant les protocoles sanitaires.
•Les courses, compte tenu de leur modèle professionnel et de l’ouverture des paris en ligne, a pu, dès le 11 mai, redémarrer leurs activités sur les hippodromes et limiter les pertes pour les acteurs du segment courses.
•Les établissements équestres, malgré des pertes lourdes par l’arrêt de leurs activités pendant le premier confinement, ont pu trouver des solutions collectives lors du second confinement pour assurer le bien-être de leurs équidés grâce à l’initiative de la FFE pour un protocole spécifique. L’Etat les a également accompagné financièrement avec un dispositif simple et mis en oeuvre rapidement.(L’Allemagne annonçait début 2021 la faillite de 50 % des centres équestres, ndlr).
Perspectives
Quels sont les enseignements que la filière tire de cette crise sanitaire ?
•La prise de conscience de la charge mentale liée à la surcharge de travail chronique (en routine hors situation de pandémie Covid-19) et à la gestion de la clientèle des entreprises (plus spécifiquement en centre équestre).
•L’importance du travail de communication auprès de ses clients.
•L’atout de l’herbe pour le bien-être des chevaux, la réduction des coûts alimentaires mais aussi en diminution du temps de travail.
•La résilience des systèmes avec une diversification raisonnée des activités, grâce à la diversification des activités agricoles, équines et asines.
•L’importance d’une marge de sécurité (trésorerie, stocks alimentaires) pour faire face aux imprévus.
•L’intérêt d’échanger entre pairs autour des problématiques rencontrées pour trouver des solutions collectives.
•La nécessité d’une adaptation permanente des entreprises au contexte socio-économique et par conséquent, la nécessité, pour les exploitants, d’être en capacité d’interroger en permanence leur modèle économique pour pouvoir le faire évoluer.
•L’importance d’une information concertée au sein de la filière pour qu’elle soit efficace.
•Envisager un plan de développement de la filière pour permettre l’installation des jeunes agriculteurs, assurer un revenu décent aux producteurs, préserver la biodiversité et l’environnement.
Autres initiatives
Les différents acteurs de la filière équine ont réfléchi à leur stratégie de reprise et de rebond.
Ces informations sont détaillées sur leurs sites internet.
Acteurs ayant participé à la rédaction de ce rapport :
France Galop, Le Trot, Fédération des Eleveurs du Galop, Association des entraineurs : AEDG, SEDJ, AEPGalop, Ass. des Jockeys, Société Hippique Française, Fédération Française d’Equitation, Syndicat interprofessionnelle des praticiens de la médiation, Société Française des Equidés de Travail, Fédération Nationale du Cheval, Confédération Paysanne, Coordination Rurale, Jeunes Agriculteurs, Groupement Hippique National, Filière Cheval, Fédération Nationale des Conseils des Chevaux, Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture, Club de Nutrition Equine Française, Agence Française de Commerce des Equidés, Association des Vétérinaires Equins de France. Synthèse coordonnée par l’IFCE.
Source : Le Cheval